Alors que l’Amiens SC traverse une période difficile, tant sur le terrain qu’en interne, le mercato hivernal n’a pas effacé les doutes et les craintes quant à l’avenir à court et moyen terme, bien au contraire. A trop jouer avec le feu, le club picard pourrait bien finir par se brûler les ailes.
Des transferts qui posent question
Omar Daf ne cessait de réclamer des recrues pour renforcer son effectif. Il y a bien eu des arrivées mais celles-ci ne furent pas sans des départs en contrepartie avec cinq nouveaux joueurs pour autant d’au revoir. Mais déjà peu fourni en termes d’expérience, l’effectif amiénois n’a probablement pas gagné au change. En défense, Mamadou Fofana (27 ans) s’est envolé pour les Etats-Unis, début décembre, et Osaze Urhoghide (24 ans) est toujours en partance vers la même destination. Résultat, il ne reste que deux centraux, les inexpérimentés Siaka Bakayoko (19 ans) et Mohamed Jaouab (22 ans) auxquels s’ajoute une recrue encore plus jeune, Abdelhamid Ait Boudlal (18 ans).
Au milieu, nous avons davantage de matchs professionnels dans les jambes, peut-être un peu trop pour certains. Frank Boya parti et Owen Gene quasi dans l’avion, Rayan Lutin (22 ans) et Kylian Kaïboue (26 ans) sont les deux seuls rescapés de l’entrejeu. Victor Lobry (29 ans) et Thomas Monconduit (33 ans) ont renforcé les rangs amiénois, mais qu’en est-il de leur état de forme ? Le premier a montré de belles choses face à Annecy, mais sera-t-il capable d’assumer toute une fin de saison après avoir été six mois sans jouer ? Le second n’a pas non plus joué depuis août, la faute à des blessures qui l’ont écarté des terrains et de la sélection de l’entraîneur de Saint-Etienne même lorsqu’il était apte. Le retour du braqueur pourrait ne pas être payant.
Sur le front de l’attaque, Louis Mafouta (30 ans), Antoine Léautey (28 ans) et Nordine Kandil (23 ans) n’ont pas bougé, mais les prometteurs Elyess Dao (18 ans), Mathis Touho (20 ans) et Yvan Ikia Dimi (20 ans) ont tous quitté le club, au moins pour la fin de la saison. Et si l’on cherchait, entre autres, une doublure solide ou expérimentée pour concurrencer un Louis Mafouta pas inquiété pour sa place, malgré ses difficultés, c’est raté pour cette fois avec la venue de jeunes joueurs supplémentaires, non aguerris à la Ligue 2 : Joan Tincres (18 ans) et Malick Mbaye (20 ans).
Un manque de stabilité et de qualité sur le banc
C’est seulement au poste de gardien de but que rien n’a bougé. Et on le sait, les équipes qui marchent bien sont souvent des formations dont l’effectif est stable durant la saison, voire même d’une saison à l’autre. Ce n’est pas le cas de l’Amiens SC depuis de nombreuses saisons et ce mercato hivernal apparaît comme le point d’orgue de cette instabilité chronique. La situation est d’ailleurs plus exceptionnelle qu’à l’ordinaire car, si l’on est habitué à voir du mouvement au mercato estival, l’ASC se montre généralement moins actif l’hiver. Cette année, avec dix transactions, l’effectif du club picard est celui de Ligue 2 ayant le plus changé entre décembre et février, à égalité avec Clermont.
Avec cinq départs pour cinq arrivées, c’est une opération blanche en termes de nombre de joueurs. Or, la profondeur de banc était un problème certain avant ce mercato, il s’est peut-être malgré tout aggravé. Car si le nombre de prétendants à une place de remplaçant est le même, l’expérience de ceux qui vont désormais le composer sera encore plus proche de zéro. Même en admettant qu’Osaze Urhoghide, moins prompt à partir qu’Owen Gene, soit dans le groupe pour les futures rencontres, quel serait le banc ? Bakayoko (19 ans), Abdelhamid Ait Boudlal (18 ans), Messy Manitu (19 ans), Malick Mbaye (20 ans), Joan Tincres (18 ans) et peut-être Rayan Lutin (22 ans) si un trio Monconduit-Kaïboue-Lobry est aligné au milieu. Soyons sérieux ! Si les jeunes joueurs, avec leur fougue et leur envie, peuvent apporter du dynamisme en fin de rencontre pour les faire basculer, comment pourra-t-on conserver une courte avance avec des rentrants aussi inexpérimentés, voire qui n’ont jamais joué en professionnel pour certains ? Et cet hypothétique présence sur le banc pourrait même se transformer en titularisations, en cas de blessures ou suspensions des habituels cadres. Ce qui arrivera forcément.
Se maintenir avec autant de jeunesse ?
L’effectif de l’Amiens SC, déjà le plus jeune du championnat avec Bastia et Rodez (24,9 ans en moyenne) et même si l’âge ne fait pas l’expérience, ils vont souvent de pair. On pourrait se dire que l’ASC a gagné en maturité en ayant fait venir l’équivalent de 118 ans de joueur pour en laisser partir 113 cet hiver. Mais ce chiffre est en trompe l’œil, car la moyenne d’âge comprend des joueurs particulièrement âgés tels que Régis Gurtner (38 ans), Sébastien Corchia (34 ans), Alexis Sauvage (33 ans) et Thomas Monconduit (33 ans). Sans eux, la moyenne tombe à 22,5 ans. A titre de comparaison, Bastia ne possède dans ses rangs qu’un joueur au-delà des 32 ans, ce qui signifie que son effectif contient moins de très jeunes joueurs. Ils sont trois de moins de 20 ans chez les Corses, cinq à Amiens. Côté Ruthénois, c’est la même tendance qu’à Bastia avec deux joueurs âgés de plus de 32 ans (33 ans en l’occurrence) et aucun en dessous des 20 ans. Contrairement à l’ASC, ces deux formations ont une équipe certes jeune, mais la plupart ont entre 20 et 32 ans tandis qu’en Picardie, on trouve difficilement des joueurs entre ceux à peine majeurs et ceux dont la trentaine est bien entamée.
La question que la plupart des supporters amiénois se posent aujourd’hui : cette équipe est-elle taillée pour le maintien ? Actuel dixième avec 29 points, le chemin est encore long puisqu’il reste 13 matchs à jouer. Malgré tout, si l’on pouvait avoir une touche d’optimisme dans ce papier, il faut savoir que les pensionnaires de la Licorne sont plus près de se sauver que d’être relégués. En Bundesliga, première division allemande, on évolue à 18 clubs depuis longtemps. Lors des dix dernières saisons, le maintien direct s’est fait entre 32 et 37 points selon les années. Il faudrait donc encore huit points pour valider quasi assurément une place en Ligue 2 pour l’exercice à venir. Deux victoires et deux matchs nuls ou trois victoires, sur les 13 matchs qu’il reste à disputer, cela semble largement faisable même avec une équipe qui n’offre pas de garanties.
Une révolution à l’été 2025 ?
Si le ticket pour la Ligue 2 version 2025/2026 est envisageable, quel sera le visage de l’Amiens SC ? La théorie du départ de Bernard Joannin à l’été enfle et l’idée d’épuration des finances et du départ à zéro avec un éventuel repreneur ne fait que se confirmer avec ces arrivées hivernales. Car parmi les cinq recrues, quatre d’entre elles ne sont que des simples prêts jusqu’à la fin de la saison, sans option d’achat. Seul Victor Lobry a signé pour 18 mois. A l’heure actuelle, au 1er juillet, ils ne sont que 13 à encore être sous contrat à l’ASC, 11 si l’on enlève Urhoghide et Gene qui sont déjà sur le départ, et il n’a aucunement été mention d’un renouvellement de contrat pour l’un d’entre eux. Et sur ces 11 joueurs restants, aucun gardien de but, et les seuls Kaïboue, Kandil, Lobry, Léautey et Mafouta en joueurs d’expérience, le reste étant des jeunes qui ont plus ou moins de temps de jeu cette saison. Un véritable chantier attend Bernard Joannin ou les futurs bâtisseurs de l’Amiens SC, si tenté que les moyens mis en œuvre et la structure initiale soient assez solides pour (re)lancer une nouvelle ère.
Simon Vasseur
Crédit photo : Théo Bégler, Louis Auvin & Léandre Leber – Gazettesports.fr (archives)