Gianni Infantino, 52 ans, n’a ni la bonhomie ni la faconde de Sepp Blatter, son prédécesseur à la Fédération internationale de football (FIFA). Et ses relations avec l’Afrique sont sans doute moins empreintes de ce paternalisme dont le Suisse avait fait une marque de fabrique. « Blatter aimait vraiment l’Afrique. Il était moins dans une logique de calcul que ne l’est Infantino, qui est beaucoup plus pragmatique et qui ne fait rien pour rien », résume sous couvert d’anonymat un haut responsable du football européen qui connaît bien les deux hommes.
Jeudi 16 mars à Kigali, au Rwanda, Gianni Infantino a été réélu sans surprise à la tête de la FIFA pour un troisième mandat de quatre ans. Seul candidat en lice, l’ancien secrétaire général de l’Union des associations européennes de football (UEFA) n’a pas eu besoin de faire campagne pour capter la majorité des 54 voix d’un continent qui est, après l’Europe (55), celui qui compte le plus de fédérations affiliées à la FIFA.
En Afrique, Gianni Infantino a su se faire apprécier. Il vient de faire passer la dotation attribuée aux fédérations de 6 millions à 8 millions de dollars (soit 7,5 millions d’euros) sur la période allant du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2026, soit une augmentation de plus de 30 %. « Pour certaines fédérations africaines, qui dépendent souvent de l’Etat, cette dotation est vitale et permet de mener à bien certains projets, notamment l’amélioration des structures sportives ou administratives », rappelle Lazare Banssé, le président de la Fédération burkinabée de football.
Les fédérations africaines militent pour que la FIFA se montre encore plus intransigeante envers les ingérences politiques. Ces derniers mois, plusieurs fédérations (Tchad, Kenya, Zimbabwe) ont ainsi été suspendues par l’instance faîtière. « Cette situation s’explique par la dépendance financière des fédérations par rapport aux Etats, lesquels estiment qu’ils peuvent donc s’immiscer dans leurs affaires », dit Saïd Ali Athouman, le patron de la fédération comorienne.
« Un rapport gagnant-gagnant »
Elles seront également très attentives à l’évolution du projet de Gianni Infantino de faire disputer la Coupe du monde tous les deux ans. « Pour les sélections, cela augmenterait les chances de se qualifier et permettrait d’augmenter les retombées financières », reprend Lazare Banssé. Pourtant, ce projet ne fait pas l’unanimité en Afrique, comme le rappelle le Camerounais Joseph-Antoine Bell. « La Coupe du monde, c’est l’excellence, et je suis favorable au calendrier actuel », dit-il. L’ancien gardien de but est en revanche opposé au projet de Gianni Infantino de faire jouer la Coupe d’Afrique des nations (CAN) tous les quatre ans, contre deux ans aujourd’hui : « Infantino veut plus de Coupes du monde mais moins de CAN, pourquoi ? » Cette hypothèse, annoncée en février 2020, avait reçu un accueil glacial en Afrique.
Gianni Infantino a plusieurs fois été accusé d’ingérence dans les affaires du football africain. Certains lui reprochent son rôle actif lors de l’élection du milliardaire sud-africain Patrice Motsepe à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF), en 2021, ou l’appui à la nomination du Suisso-Congolais Véron Mosengo-Omba, un ancien de la FIFA, au poste de secrétaire général de cette instance continentale.
Des critiques balayées d’un revers de main par Lazare Banssé, qui voit plutôt « un rapport gagnant-gagnant entre Infantino et l’Afrique : il a besoin des voix africaines et nous avons besoin de l’aide et de l’accompagnement de la FIFA pour mener à bien certains projets ». Ce procès en ingérence semble également excessif aux yeux de Joseph-Antoine Bell : « Selon vous, pourquoi la FIFA est aussi influente en Afrique et faible en Europe ? C’est parce que les fédérations africaines, dans leur grande majorité, ont peu de ressources et sont peu inventives. Que la FIFA aide financièrement et apporte des idées, pour l’instant, ça leur convient… »