L’année 2022 a été particulièrement éprouvante pour le monde des cryptomonnaies. En l’espace de quelques mois, l’industrie a été privée de plusieurs de ses champions. L’UST, l’un des stablecoins charnières de l’écosystème, s’est brusquement effondré, engloutissant des milliards de dollars d’investissements. Ce krach, aussi spectaculaire qu’inattendu, a provoqué une réaction en chaîne aboutissant à la faillite de plusieurs géants, considérés comme « too big to fail » (en français : trop gros pour tomber), dont la plateforme de prêts Celsius. Plus tard, c’est le numéro deux des plateformes d’échange de cryptomonnaies, FTX, qui a rendu l’âme.
Ces événements ont considérablement plombé la valorisation de l’industrie. Le Bitcoin, autrefois valorisé à plus de 65 000 dollars, est repassé sous le seuil des 20 000 dollars. Comme toujours, le roi Bitcoin a entraîné le reste du marché dans sa chute. La capitalisation totale de l’écosystème est tombée sous les 900 milliards de dollars, loin de son record au-delà des 3 000 milliards de dollars en novembre 2021.
Dès janvier 2023, le secteur, de plus en plus résilient, a montré des signes progressifs de reprise. Profitant de la crise bancaire américaine, le Bitcoin est progressivement remonté au-dessus des 25 000 dollars, permettant à la valorisation de l’industrie crypto de renouer avec les 1000 milliards de dollars.
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Un été morne pour les cryptomonnaies
Après avoir atteint les 30 000 dollars en mai 2023, le cours du Bitcoin s’est mis à stagner. Cet été, la reine des cryptomonnaies s’est contentée de vivoter entre les 27 et les 31 000 dollars. Le Bitcoin n’a pas connu de nouvelles accélérations vers les 35 ou les 40 000 dollars. En langage technique, l’actif peine à casser la résistance des 30 000 dollars. La cryptomonnaie a plusieurs fois rebondi autour de cette zone avant de baisser, et de remonter à l’assaut de la résistance. Jusqu’ici, le Bitcoin n’a essuyé que des rejets.
Plus généralement, l’été a été marqué par l’absence de volatilité sur le marché des cryptomonnaies. Les prix n’ont pas connu de fortes baisses ou d’augmentation fulgurante. Comme l’explique Simon Peters, analyste chez eToro, le secteur a manqué d’une petite « étincelle pour donner vie à ce qui a été un été de performance plutôt faible ». Bloqué dans une phase d’attente, le Bitcoin a « continué à refléter la faiblesse du marché qui a prévalu au cours de l’été » en revenant au niveau des prix affichés en mai, poursuit l’analyste.
Cette stabilisation n’est pas forcément un mauvais signe. En effet, le cours des cryptoactifs n’a été que modérément affecté par les assauts réglementaires américains. Les attaques de la SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur financier des États-Unis, contre les géants Coinbase et Binance n’ont pas provoqué le séisme attendu. L’absence de baisse démontre la résilience de l’écosystème, qui a déjà affronté de sérieux obstacles par le passé. Pour David Derhy, analyste de marchés chez eToro, la résilience du Bitcoin et des autres cryptomonnaies repose en grande partie sur le retour « de nombreuses institutions financières ». Les investisseurs institutionnels avaient en effet massivement déserté le secteur avant de réaliser un retour progressif à mesure que le marché, rouge sang l’an dernier, est repassé dans le vert.
Malgré plusieurs annonces de taille, dont la réouverture confirmée de FTX et l’arrivée d’un stablecoin signé PayPal, le cours du Bitcoin n’a cependant pas connu d’envolée estivale. L’expert financier Simon Peters estime que l’approbation du premier ETF (Exchange-Traded Fund), un fonds d’investissement négocié en bourse, pourrait bien changer la donne :
« ce projet reste insaisissable, mais le marché est très attentif à l’évolution de la situation ».
Annoncé en juin, l’iShares Bitcoin Trust ambitionne de permettre aux investisseurs américains de s’exposer au Bitcoin sans devoir en détenir. C’est un instrument financier très répandu pour négocier des actions, des indices boursiers, des métaux ou n’importe quel autre actif. Dans le sillage de BlackRock, de nombreuses entités du monde la finance ont soumis des demandes d’ETF Bitcoin à la SEC. C’est le cas du gestionnaire d’actifs numériques Grayscale, qui presse d’ailleurs la SEC d’approuver sa demande.
Si ces ETF sont finalement approuvés, la finance traditionnelle devrait continuer investir dans le Bitcoin… ce qui accentuerait l’adoption des cryptomonnaies. Un afflux de nouveaux investisseurs institutionnels pourrait contribuer à stabiliser la valorisation du secteur, voire préparer le terrain pour une nouvelle phase haussière.
Le grand retour des cryptos en vue ?
Plusieurs observateurs estiment d’ailleurs que le marché des cryptoactifs est fin prêt à repartir à la hausse. Dans un rapport publié début août, Yves Renno, responsable du trading de la plateforme Wirex, s’attend à ce que la grande tempête de l’an dernier, marquée par « une série sans précédent d’événements catastrophiques », aboutisse sur « une période de paix sans précédent ».
L’expert met en avant la faible volatilité du Bitcoin pour justifier son analyse. Comme le montre le graphique ci-dessous, la volatilité de la cryptomonnaie a considérablement baissé au cours des derniers mois. En règle générale, une instabilité en berne sur une longue période est suivie d’un retour de la hausse à plus ou moins court terme. Il s’agit en tout d’un indicateur qui va dans ce sens.
CoinHouse, un exchange français, avait déjà émis un constat analogue il y a quelques mois. Selon la plateforme, le marché se remet progressivement des traumatismes de 2022. En miroir de CoinHouse et de nombreux observateurs, Wirex a en ligne de mire le halving du Bitcoin. Prévu au printemps 2024, le halving est une actualisation du protocole Bitcoin qui réduit les récompenses allouées aux mineurs. Après cette mise à jour déflationniste, la disponibilité des bitcoins sur le marché diminuera. Cet évènement se produit tous les quatre ans, comme l’a voulu Satoshi Nakamoto, le créateur de la cryptomonnaie. Le halving le plus récent a eu lieu en mai 2020, seulement sept mois avant le début de la dernière tendance haussière du marché.
Une étude de GNY Limited, partagée avec 01Net, indique par ailleurs que de plus en plus de traders de cryptomonnaies dégagent des bénéfices grâce à leurs activités. Plus de trois traders sur quatre ont gagné de l’argent au cours du premier semestre de l’année. De plus, 20 % des sondés affirment avoir généré beaucoup de bénéfices sur la même période. Il pourrait sembler que la période baissière, marquée par des prix en décrochage, est bel et bien terminée. Pour GNY Limited, la plupart des traders professionnels sont désormais confiants dans les perspectives du secteur, à court et long terme.
“miners need $98k or won’t be break-even after halving next year”. if hashrate rises at at 6.3%/mo like jan-jul 2023 hashrate in apr 2024 would be 633 EH. current average fees 0.16/btc so 3.285btc/block say 30J/TH 6c/kwh operation would be $58k breakeven. https://t.co/jXr2gTSLI9
— Adam Back (@adam3us) August 4, 2023
Dans ce contexte pétri d’espoir, certains acteurs se prêtent au jeu des pronostics sur le cours du Bitcoin. Pour Adam Back, figure phare de l’écosystème et PDG de la société Blockstream, il est même envisageable que le Bitcoin dépasse le seuil des 100 000 dollars avant le halving de 2024.
Prudent, Wirex admet dans son rapport que tous les obstacles sur la route d’un nouveau rallye haussier n’ont pas disparu. De nouveaux assauts réglementaires, venant notamment des États-Unis, pourraient entraver le rebond. De même, il ne faut pas exclure l’apparition d’un cygne noir, un événement totalement imprévu, qui viendrait remettre en cause les prophéties des experts…