L’Europe pourrait lancer son propre ChatGPT… d’ici à 2028, mais ce sera beaucoup trop tard

L’Europe serait en mesure de lancer sa propre IA générative façon ChatGPT, estime Bruno Le Maire. D’après le ministre, une intelligence artificielle européenne pourrait donner un coup de fouet à l’économie du continent. Malheureusement, elle pourrait ne pas avoir le jour avant des années… bien trop tard pour espérer rivaliser avec les IA américaines.

Ce samedi 8 juillet 2023, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, s’est rendu aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence. Face au public du forum économique, il a prophétisé l’arrivée d’une alternative à ChatGPT 100 % européenne. Le ministre estime qu’il faut d’abord encourager l’innovation avant de mettre en place un cadre réglementaire autour de l’intelligence artificielle :

« Je plaide donc, avant de poser les bases de la régulation de l’intelligence artificielle, pour que nous fassions de l’innovation, que nous investissions et que nous nous fixions comme objectif d’avoir un OpenAI européen sous cinq ans, avec les calculateurs, les scientifiques et les algorithmes nécessaires. C’est possible ».

Les propos de Bruno Le Maire font écho aux promesses formulées par Emmanuel Macron lors de son passage à VivaTech, le salon de l’innovation technologique organisé à Paris en juin dernier. Le président avait plaidé pour la création d’intelligences artificielles françaises. Il avait estimé que l’innovation était prioritaire par rapport à la régulation, pourtant déjà bien avancée en Europe, avec l’AI Act. Cette initiative réglementaire, initiée dès 2021, vise à édicter les grands principes qui doivent régir l’industrie.

En miroir de chef de l’État, Bruno Le Maire redoute qu’un manque d’innovations finisse par soumettre l’Europe à la Chine et aux États-Unis, bien avancés dans la course à l’intelligence artificielle. En clair, il souhaite éviter de répéter ce qu’il s’est passé avec l’essor d’Internet et des réseaux sociaux. Tandis que le vieux continent s’est concentré sur la régulation, une horde de géants du numérique, américains et chinois, ont accaparé Internet. De nos jours, la plupart des services et des plates-formes qui structurent la vie numérique sont développés aux États-Unis, comme Google, Facebook ou Apple, ou en Chine, comme TikTok.

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Un ChatGPT pour stimuler l’économie européenne

Pour le ministre français, l’essor d’un ChatGPT européen est susceptible de stimuler toute l’économie. D’après lui, l’initiative est en mesure de « faire des gains de productivité dans une économie européenne un peu languissante » :

« L’intelligence artificielle générative va nous permettre, pour la première fois depuis plusieurs générations, de retrouver de la productivité, d’être plus efficace ».

L’intelligence artificielle générative devrait en effet transformer la plupart des métiers. Face à l’essor des modèles de langage, certains emplois risquent même de disparaître complètement, tandis que d’autres vont voir le jour, a toujours tempéré Sam Altman, PDG d’OpenAI, pour rassurer les détracteurs de l’IA. Cette révolution, inéluctable, devrait contribuer à relancer l’économie, marquée par la crise de la Covid-19 et l’inflation, laisse entendre le ministre français.

Pour parvenir à ce ChatGPT européen, Le Maire pointe du doigt la nécessité de recruter des ingénieurs spécialisés pour mettre au point des algorithmes et des supercalculateurs. Dans cette optique, Emmanuel Macron a d’ailleurs débloqué 50 millions d’euros pour renforcer le supercalculateur Jean-Zay et plus de 200 millions d’euros pour mettre sur pied un supercalculateur Exascale. C’est grâce à des ordinateurs avec une importante puissance de calcul que les grands modèles de langage fonctionnent.

Un retard impossible à rattraper ?

Le timing mis en avant par Bruno Le Maire risque de faire grincer des dents. Selon ses dires, l’alternative européenne à ChatGPT pourrait bien voir le jour dans cinq ans. C’est une véritable éternité pour la recherche sur l’intelligence artificielle, qui progresse à une vitesse folle. Comme le souligne le docteur Laurent Alexandre, auteur de plusieurs livres sur l’IA, sur Twitter, « le ministre ne se rend pas compte que ChatGPT sera une antiquité en 2028 ».

D’ici à 2028, les IA génératives déjà sur le marché, comme ChatGPT, Google Bard, Claude ou Midjourney, auront fait des bonds de géant. En l’espace de quelques mois, les modèles linguistiques ont d’ailleurs déjà vécu une kyrielle d’innovations. Par exemple, OpenAI a dévoilé GPT-4, un toute nouvelle version de son modèle d’IA, qui révolutionne la manière dont le chatbot répond aux questions. Avec cette mise à jour, le chatbot est brusquement devenu plus efficace et plus intelligent.

En parallèle, l’essor de modèles linguistiques open source, comme Apache ou LLaMA de Meta, a permis les développeurs de concevoir, en un temps record, une foule de solutions personnalisées, moins gourmandes en énergie et plus facile à déployer. Il est en effet possible de faire tourner un modèle d’IA sur un ordinateur en local, voire sur un simple smartphone. Il n’y a plus besoin qu’une montagne de serveurs pour animer l’IA.

D’après un ingénieur de Google, ces IA open source progressent vite et offrent d’ores et déjà des performances analogues, ou même supérieures, aux grands modèles de langage, les fameux LLM (Large Language Models). De l’aveu de Sam Altman, l’ère des immenses modèles, nécessitant une puissance de calcul colossale, est d’ailleurs déjà révolue.

« Je pense que nous sommes à la fin de l’ère des modèles géants. Nous les améliorerons d’une autre manière », a déclaré Altman en avril dernier lors d’un événement organisé au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Dans ces conditions, GPT-4 pourrait être la dernière version du modèle à s’appuyer sur une stratégie nécessitant toujours plus de puissance et de serveurs. Comme l’a expliqué Altman, il est nécessaire de changer d’approche. En effet, il y a des limites au nombre de centres de données que la start-up, même armée des ressources considérables de son partenaire Microsoft, peut construire. Il faut donc repenser la manière dont les modèles d’IA sont appelés à évoluer. En se concentrant sur la création d’un modèle linguistique similaire à GPT, qui aura besoin d’un superordinateur pour fonctionner, l’Europe démarre avec un retard considérable… et impossible à combler ?

Source :

France Info

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