Le Wi-Fi 7 est là… enfin pas vraiment, mais si quand même. Le standard n’est pas encore finalisé, officiellement il est encore en draft 3 pour adoption définitive prévue l’an prochain. Mais, déjà quelques fabricants de puces et de routeurs ont décidé d’occuper le terrain. TP-Link, géant chinois des réseaux grand public, en fait partie, et a d’ores et déjà dévoilé plusieurs ensembles de routeurs maillés compatibles avec le Wi-Fi 7 du moment… Ne reste plus qu’à espérer que l’histoire ne se répétera pas et que les spécifications techniques n’évolueront pas trop d’ici la version finale – les plus anciens adeptes du Wi-Fi se souviennent sans doute du petit fiasco du Wi-Fi pré-n.
En tout cas, quelques fabricants de smartphones et PC ont déjà sauté le pas, et lancé des produits compatibles. C’est le cas du OnePlus 11 5G, par exemple – que nous n’avons hélas plus à disposition… et du Xiaomi 13 Ultra, qui a le bon goût d’être encore entre nos mains. Pourquoi citer ces deux appareils ? Juste pour montrer que les périphériques compatibles sont encore rares… même dans une rédaction qui voit passer la plupart des nouveautés du marché.
Précautions particulières…
Un standard non finalisé, des produits disponibles mais au compte-goutte, il nous a fallu trouver une astuce pour pouvoir tenter de prendre la mesure du routeur de TP-Link – nous y reviendrons. Nous avons soigneusement évité le mot « test » jusque-là, car les critères ne sont pas réunis, selon nous, pour permettre de juger de la pertinence des débits dans des conditions proches de celles du réel telles que nous les observons et les reproduisons habituellement. Il faudra bien plus d’appareils compatibles, embarquant également des ports Ethernet 10 Gigabit pour en prendre toute la mesure. Il faudra aussi que les standards fibre, comme le XGS-PON, prennent plus d’ampleur.
Il s’agit donc ici plus d’un aperçu du potentiel du Wi-Fi 7 et de ces Deco BE85. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’avenir des réseaux sans-fil est prometteur. Commençons par nous intéresser à l’apport théorique du Wi-Fi 7 avant de nous pencher sur ce que TP-Link propose avec ses routeurs.
Wi-Fi 7, le Wi-Fi 6E en vraiment mieux…
Petite étape entre les Wi-Fi 6 et 7, le Wi-Fi 6E a introduit une troisième bande de fréquences, en ouvrant la porte au 6 GHz et quelque 500 MHz concomitants (dans la zone 1 de l’UIT) pour assurer plus de débits. Le Wi-Fi 7 capitalise donc sur cette avancée majeure et mise sur trois grosses nouveautés :
- la vitesse maximale théorique ;
- une largeur de canaux augmentée ;
- et une méthode d’encodage des données sur le signal radio beaucoup plus performante, la QAM ou Quadrature Amplitude Modulation.
Le Wi-Fi 6 promettait déjà de beaux débits avec un maximum théorique fixé à 9,6 Gbit/s. Le Wi-Fi 7 va « légèrement » plus loin, puisqu’il s’accompagne d’un plafond théorique à 46 Gbit/s. Par ailleurs, ce nouveau standard devrait bénéficier d’une largeur de canal de 320 MHz, dans la bande des 6 GHz. Les 5 GHz plafonneront à 160 MHz et les 2,4 GHz à 83 MHz, toujours.
Enfin, revenons à notre « Quadrature », qui va passer de 1024-QAM avec le Wi-Fi 6 à 4096-QAM, avec le Wi-Fi 7. Cela permet en théorie une augmentation de 20% du débit de données (chaque symbole portant 12 bits d’information, contre 10 précédemment). Au-delà de la question des débits, la 4096-QAM garantit aussi une couverture plus rapide et fiable, et permet de servir plus de clients simultanément.
Deco BE85 : une main parfaite ?
Passons maintenant aux routeurs de TP-Link, ces Deco BE85. Hors normes, ils le sont par bien des aspects. Par leur taille, tout d’abord. Chaque routeur est un cylindre de 23,6 cm de haut – cela commence à être imposant – pour un diamètre de 12,8 cm. Un beau bébé, qui se voit bien, même si le design reste discret, suffisamment pour qu’il puisse passer presque inaperçu posé sur une étagère, une commode ou un rebord de cheminée. Il faut au moins ça pour loger les huit antennes internes et amplifiées, qui vont permettre jusqu’à 12 flux.
Notons au passage que les Deco BE85, également appelé BE19000 par TP-Link, peuvent assurer jusqu’à 19 Gbit/s de débits théoriques cumulés. Ils sont répartis comme suit :
- 11 520 Mbit/s en 6 GHz ;
- 5 760 Mbit/s en 5 GHz ;
- 1 376 Mbit/s en 2,4 GHz.
Les plus attentifs d’entre vous auront remarqué que ces routeurs sont tri-bandes et non quadri-bandes, c’est-à-dire qu’ils n’utilisent qu’une plage de fréquences dans celle des 5 GHz. Ceux qui veulent « quatre bandes sinon rien » devront patienter un peu, TP-Link a dans ses cartons, et en approche, un Deco BE95, qui promet d’ores et déjà 33 Gbit/s de bande passante théorique, en doublant la bande dans les 6 GHz. On se demande toutefois comment tout cela fonctionnera en France.
Voilà quoi qu’il en soit des débits stratosphériques, sur le papier, tout au moins. Mais pour s’assurer que votre connexion à Internet ne se trouve pas bridée par une connectique décevante, TP-Link a mis les petits plats dans les grands, et même sorti l’argenterie. On trouve en effet, sur chaque module Deco, chacun pouvant être soit le routeur principal, soit un satellite :
- un port USB 3.0, pour partager une imprimante ou un disque dur sur le réseau ;
- deux ports Ethernet 2,5 Gbit ;
- deux ports Ethernet 10 Gbit (un WAN, un LAN) ;
- et, première sur un routeur maillé Deco (mais qu’on avait déjà entraperçu sur des routeurs de la gamme Archer de TP-Link), un port SFP+.
Vous ne pourrez évidemment pas connecter votre box à la fois sur le port Ethernet 10 Gbit et sur le port SFP+. C’est ce dernier qui prend la main quand vous le branchez. Attention toutefois un détail, quand la connexion entrante arrive dans le routeur via le connecteur SFP+, le Deco aura tendance à… ventiler. Oui, un routeur ventile… Vous entendrez souffler assez bruyamment ces deux ventilateurs, tandis qu’il reste parfaitement silencieux en Wi-Fi, ou émet un léger bruit quand il fait vraiment trop chaud – merci à ce début d’été pour cette petite expérience. Dans tous les cas, on sent la chaleur sortir par sa partie supérieure, le Deco BE85 étant alors une sorte de cheminée « naturelle ».
Car, le processeur ARM quadricoeur embarqué et les antennes amplifiées sont soumis à rude épreuve et consomment beaucoup – ils sont là pour assurer du 10 Gbit/s, rappelons-le. Voilà sans doute pourquoi chaque routeur est livré avec un chargeur de… 75 W ! Oui, c’est plus de deux fois plus que le chargeur livré de série avec le dernier MacBook Air 15 pouces… Et, bien entendu, cela pose la question de l’impact énergétique de ce genre d’appareil à l’heure où réduire les factures et la consommation de chaque foyer est un enjeu.
Nous avons réalisé quelques relevés pour prendre la mesure de l’appétit de ces routeurs. En ne connectant qu’un appareil, nous avons constaté une consommation d’environ 36,6 W pour les deux modules. En montant en charge, à savoir en lançant quatre téléchargements en parallèle, plus un transfert entre deux machines du réseau en Ethernet, nous avons vu la consommation grimper à 42 W, soit 21 W chacun. Il semble donc évident que l’alimentation de 75 W est là pour les moments de fortes sollicitations, à venir.
Configuration, application, fonctions…
Comme tous les routeurs maillés à ce jour, les Deco BE85 se configure très facilement depuis un smartphone Android ou iOS, sur lequel aura été installée l’application dédiée. Elle vous prend par la main, allant jusqu’à vous prodiguer des conseils sur les meilleurs emplacements possibles pour poser les routeurs. Car, rappelons-le, l’objectif de routeurs Wi-Fi maillés est de couvrir tout ou partie de votre domicile avec un seul et même réseau sans-fil, ce qui vous permettra de passer d’une pièce à une autre, d’un étage à un autre, sans interruption de service.
Les Deco BE85 sont pré-synchronisés, ce qui fait qu’il n’y a quasiment rien à faire hormis les brancher au secteur et veiller à ce que les deux routeurs soient à portée l’un de l’autre. Ils communiquent entre eux en établissant une connexion, qui, sur les appareils tri-bandes peut être dédiée. Ainsi, avec les Deco BE85, est-il possible de dédier la plage des 6 GHz à « cette connexion en coulisse », appelée backhaul. C’est surtout pratique si vous n’avez encore que peu d’appareils qui peuvent tirer parti de la bande des 6 GHz. A noter également que ce Deco propose une fonction propre au Wi-Fi 7, la MLO, pour Multi-Link Operation, qui permet aux appareils compatibles avec ce standard en devenir de se connecter à plusieurs bandes de fréquences simultanément pour en agréger la bande passante, pour des débits renforcés. En l’occurrence, le Xiaomi 13 Ultra n’est compatible qu’avec l’agrégation des bandes de fréquences de 2,4 et 5 GHz, les 6 GHz étant hélas laissés de côté.
L’application Deco est une de nos préférées sur le marché actuellement. Claire, complète, elles donnent accès à l’essentiel des réglages du quotidien, permet de garder un œil sur ce qui se passe sur son réseau sans-fil et offre même une petite base de contrôle parental. Cette partie, qui peut être essentielle si vous êtes un parent inquiet, se limite à fixer des plages horaires de fonctionnement pour les appareils listés, ou à bloquer quelques sites Web spécifiques ou appartenant à des listes dressées par catégorie.
Pour aller plus loin, restreindre l’accès à YouTube, obtenir davantage d’informations, sécuriser les recherches, ou encore obtenir un rapport détaillé, il faudra, comme souvent désormais, opter pour un service payant TP-Link HomeShield Pro. Il coûte 39,99 euros à l’année (19,99 euros en ce moment) ou 3,99 euros par mois (2,99 euros à l’heure où sont écrites ces lignes). Les 30 premiers jours sont offerts, ce qui vous laissent le temps de vous rendre compte si ces outils vous sont utiles.
Comme la plupart des offres haut de gamme, le Deco BE85 propose aussi de créer un réseau dédié aux objets connectés. C’est à la fois la garantie que ces appareils nombreux mais généralement peu exigeants n’encombreront pas la bande efficace des 5 GHz (et éventuellement un jour des 6 GHz) et que leurs éventuels problèmes de sécurité (les mises à jour sont rares alors que les failles sont courantes) resteront dans un coin, sans mettre en danger le reste de votre réseau.
Couverture et débits, des résultats exceptionnels, et des pincettes
Nous avons eu entre les mains le pack composé de deux routeurs, et vendu environ 1 200 euros. Une belle somme, c’est certain, mais qui montre une fois encore que TP-Link sait positionner ses produits à des tarifs bien plus abordables que certains de ses concurrents. Netgear vend ainsi ses excellents Orbi RBKE962, compatibles avec le Wi-Fi 6E « seulement », à 100 euros de plus…
Quoi qu’il en soit, avec deux routeurs, nous avons réussi à couvrir sans encombre, un appartement qui donne du fil à retordre au Wi-Fi. Tout en longueur, barré de nombreux murs porteurs épais, il est également entouré de dizaines d’autres appartements pour autant de réseaux Wi-Fi.
A titre anecdotique, et pour la première fois depuis que nous réalisons des tests, le routeur principal qui est à une extrémité de l’appartement a été détecté et a vu s’y connecter des appareils situés habituellement dans la zone de couverture du satellite.
La couverture est plutôt homogène, sans zone mal couverte ou point où les débits sont vraiment dégradés.
Venons-en aux débits, point central, qui, nous le répétons, sont à prendre avec une forte pincée de sel.
Pour avoir un aperçu des débits potentiels, nous avons donc dû trouver une astuce : à savoir configurer le premier routeur, celui qu’on branche à la box, afin qu’il fonctionne en mode point d’accès. Le second routeur est alors connecté au premier, en tant que client, comme n’importe quel ordinateur. On n’a alors plus à faire à un réseau maillé, bien entendu.
Pour mesurer les débits Wi-Fi entre les deux routeurs, nous avons ensuite connecté à chacun d’entre eux, et via un câble Ethernet Catégorie 7 et le port Ethernet 10 Gigabit, un PC doté d’un port 10 Gbit lui aussi. Nous avons ensuite installé un serveur iPerf3 sur le premier et lancé des mesures depuis le second.
Un routeur peut techniquement être un client qu’on connecte à un autre routeur, mais, de par sa nature même, par les antennes embarquées, davantage amplifiées, etc., il paraît évident que le résultat est biaisé. Ainsi, juste pour donner un exemple de différences, un routeur gère généralement plus de flux en transmissions et réceptions qu’un smartphone. Le Xiaomi 13 Ultra est compatible MIMO 2×2 (deux flux entrants, deux sortants), par exemple, alors que les Deco BE85 sont 4×4. Néanmoins, il donne un aperçu de ce qui est possible d’obtenir dans un environnement non optimal.
Nous avons relevé nos débits aux mêmes points de mesure qu’habituellement, entre 0 et 5 mètres et entre 5 et 10 mètres. Pour la première tranche, celle qui se situe au plus près du routeur principal, nous avons enregistré des débits tout juste inférieurs à 5 Gbit/s (4,97 Gbit/s). Une vitesse de connexion qui descend à 2,8 Gbit/s quand nous éloignons à environ dix mètres. C’est bien meilleur que tout ce qu’on a relevé lors de nos tests de routeurs maillés en Wi-Fi 6E, qui ont généralement de la peine à franchir le cap du multigigabit, flirtant au mieux avec le 1,8 Gbit/s – record détenu par les Orbi RBKE960 entre 0 et 5 mètres.
Cette vitesse de connexion, nous l’avons aussi relevée, avec le Xiaomi 13 Ultra à courte distance. C’est un débit de très haute tenue que n’avions jamais observée avec un smartphone avant la bande des 6 GHz en Wi-Fi 6E.
Ces débits de très haut vol, et jamais vus en Wi-Fi, donnent en tout cas une idée de ce que pourront atteindre les routeurs entre eux. Pour ce qui est des clients, tout dépendra des cartes embarquées, du nombre d’antennes, etc.
En repassant les Deco BE85 en mode routeur Wi-Fi et non plus point d’accès, nous avons également effectué quelques rapides mesures plus classiques avec des machines compatibles Wi-Fi 6E. Les mesures obtenues sont tout simplement exceptionnelles, et n’ont pas grand-chose à envier à celles offertes par les Orbi RBK960 (référence des routeurs Wi-Fi 6E), quand elles ne sont pas légèrement meilleures.
Autrement dit, TP-Link franchit non seulement le premier la ligne d’arrivée du Wi-Fi 7, mais il le fait avec la manière, proposant une fois encore un rapport qualité/prix qui sera difficile à battre. Le Wi-Fi 7 est là, prometteur, même s’il est encore trop tôt pour en juger pleinement…