qui fait quoi?  – Kalenews

Au cours de la conférence de presse tenue par le Barreau de Guinée, le  24 août 2023, à la Maison de la Presse, le Bâtonnier, Me Mamadou Souaré Diop, a affirmé que le Barreau ne s’occupe que de l’organisation matérielle du concours en vue de l’obtention du CAPA et que le jury est seul responsable des résultats qu’il publie. Et que les candidats non satisfaits doivent exercer un recours en annulation parce que, selon lui, le jury du CAPA est un organisme administratif à caractère juridictionnel. 

Selon un juriste, le propos du Bâtonnier est partiellement vrai. Tout en estimant que le Bâtonnier est certainement de bonne foi en affirmant ce qu’il a affirmé, ce juriste estime qu’il a commis une erreur d’interprétation des textes.

Ci-après la réponse à la question nous lui avons posée :

« Tout d’abord, il faut savoir que l’organisation du concours d’accès à la profession d’avocat, telle que prévue par le décret de 2008, implique plusieurs acteurs:

1. Le Barreau. Comme l’a dit le Bâtonnier, c’est lui qui s’occupe de l’organisation matérielle du concours. C’est lui normalement qui coordonne tout le processus.

2. L’Université publique de Conakry. Donc, l’Université de Sonfonia. C’est elle qui doit normalement préparer les candidats.

3. Le Ministère de la Justice. Donc l’Etat. C’est lui qui doit normalement financer le concours à travers son budget.

4. Le jury. Il est composé de 4 avocats, 2 magistrats, 1 professeur de droit. Les magistrats sont désignés par le Ministre de la Justice. Le Professeur de Droit, par le Recteur de L’Université de Sonfonia.

6. La Cour d’Appel de Conakry. C’est elle qui est normalement compétente pour connaître du contentieux des résultats du concours du CAPA.

Dans les faits, au lieu de coordonner l’organisation du concours d’accès à la profession d’avocat, le Barreau l’organise tout seul. Il ne permet pas au Ministère de financer le concours, ni à l’Université de préparer les candidats. Et le CAPA de 2021 a montré que même le professeur de droit et les magistrats ne sont pas désignés conformément à ce qui est prévu dans les textes.

En ce qui concerne le contentieux du CAPA, il n’est écrit nulle part que c’est un contentieux administratif. Il s’agit d’une confusion. Jusqu’en 2004, le concours d’accès à la profession d’avocat en France était plus ou moins comparable à notre concours actuel. Ce sont les Cours d’appel, dont le Procureur général est la tutelle rapprochée du Barreau, qui étaient seules compétentes sur ces questions. Mais en 2004, une réforme est intervenue. En France, il y a deux examens :

– l’examen d’entrée à l’école du Barreau, organisé par les universités, et dont le contentieux a un caractère administratif ;

– l’examen de sortie de l’école du Barreau (= examen d’obtention du CAPA) organisé donc par le Barreau, et dont le contentieux a un caractère judiciaire.

La raison pour laquelle le contentieux de ce dernier examen est judiciaire est simple: même s’il est investi d’une mission de service public, le Barreau est une personne morale de droit privé. Ce n’est pas un organisme administratif. Et le jury de l’examen du CAPA n’est pas un organisme administratif.

A mon avis, le problème avec le CAPA en Guinée est qu’il est régi plus par des règles ad hoc que les candidats ne peuvent raisonnablement pas maîtriser que par les textes officiels. Il suffit pour s’en rendre compte de confronter les faits aux textes. Très peu de dispositions du Décret de 2008 sont manifestement respectées. L’annualité du concours n’est pas respectée. Le financement public du concours n’est pas respecté.  Les délais ne sont pas respectés…Bref, tel qu’organisé en 2016, 2018 et 2021 par le Barreau de Guinée, le concours du CAPA est un examen sui généris régi par des règles ad hoc.

Le Barreau devrait tirer les leçons de la crise actuelle pour améliorer sa gouvernance, se conformer aux textes qui le régissent et qui régissent le concours du CAPA. A court terme, le Bâtonnier doit accepter de reconnaître les erreurs du Barreau et engager un dialogue constructif avec les candidats contestataires. Mais plus important encore, il faut accepter de coopérer avec le Ministre de la Justice pour apporter au Barreau les réformes dont il a besoin», a fait savoir ce juriste. 

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