Depuis des mois, voire des années, la communauté crypto attend de pied ferme le quatrième halving du Bitcoin. Cette mise à jour de la cryptomonnaie aura-t-elle d’importantes répercussions sur le monde des monnaies numériques ? On fait le point sur cet événement tant attendu par les utilisateurs, les investisseurs, ainsi que les mineurs.
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C’est quoi le halving du Bitcoin ?
Le protocole Bitcoin se met à jour régulièrement. Dès la création de la cryptomonnaie en 2009, Satoshi Nakamoto, le mystérieux concepteur de la devise, a prévu des évolutions ponctuelles du mécanisme de la monnaie numérique. Nakamoto a notamment décrété une mise à jour intitulée « halving », ce qui signifie une réduction de moitié. Le terme vient du verbe « to halve » en anglais, qu’on peut traduire par « diviser par deux ». Cet événement est préprogrammé dans le code de la blockchain. Comme nous l’explique le PDG de Finary, une plateforme financière française, Mounir Laggoune, « il n’y a aucune surprise » avec le Bitcoin.
Au terme de la mise à jour, le montant des récompenses attribuées aux mineurs, qui sécurisent le réseau grâce à leurs machines (les Asics), est réduit de moitié. Pour rappel, le système crée de nouveaux bitcoins à chaque bloc pour rémunérer les mineurs. C’est le mineur qui valide un bloc de données contenant des transactions récentes qui a le droit de recevoir les cryptos émises. Pour déterminer le mineur qui sera récompensé, le protocole demande de résoudre des calculs informatiques à l’aide de machines. Le premier mineur à résoudre les calculs reçoit la récompense. Suite au halving, les mineurs recevront deux fois moins de bitcoins en échange de leur participation. Le montant de nouveaux bitcoins émis sur le marché est donc lui aussi réduit de moitié. Il y a en conséquence moins de cryptomonnaies émises à la suite de la mise à jour. On passera en effet de 6,25 à 3,125 BTC par bloc miné.
C’est déjà la quatrième fois que le Bitcoin traverse un halving. Le premier halving a eu lieu en 2012, suivi par un second halving en 2016, et d’une troisième mise à jour en 2020. Le processus de chacun de ces événements est le même. Suite au premier halving, la récompense a été réduite à 25 bitcoins par bloc, puis à 12,5 bitcoins en 2016, et a atteint les 6,25 bitcoins lors du dernier halving, il y a quatre ans.
« Le processus se répètera jusqu’aux environs de 2040, date à laquelle la récompense par bloc miné tendra vers zéro », détaille Chris Gannatti, responsable de la recherche chez WisdomTree, une société d’investissement londonienne, dans une étude partagée avec 01Net.
Pourquoi le Bitcoin se met à jour ?
En réduisant le montant des nouveaux bitcoins émis sur la blockchain, Satoshi Nakamoto cherchait à contenir l’offre de BTC en circulation, ce qui accroît la rareté de la monnaie numérique et contrôle l’inflation. Pour mémoire, la cryptomonnaie ne sera pas produite à l’infini. Dès la création de la devise, Nakamoto a décidé qu’il n’y aura jamais plus de 21 millions de bitcoins sur le réseau. La limite devrait être atteinte en 2040. En avril 2024, 19,7 millions des bitcoins prévus ont déjà été minés. C’est d’ailleurs aussi pour éviter d’atteindre la limite maximale de bitcoins en circulation que le protocole incorpore une réduction du montant des BTC émis lors d’un nouveau bloc. Cette limitation, combinée à la réduction ponctuelle des récompenses aux mineurs, est prévue pour imiter la rareté progressive des ressources comme l’or.
Le Bitcoin est en effet pensé comme une alternative numérique à l’or. C’est pourquoi le code de la cryptomonnaie a fait de celui-ci une ressource finie, en miroir du métal précieux. Grâce aux mesures prises par Nakamoto, le Bitcoin est une monnaie déflationniste, c’est-à-dire que la quantité disponible diminue avec le temps. Cette approche protège la valeur du Bitcoin à long terme.
« On crée un actif qui devient de plus en plus déflationniste puisque d’ici, une fois que tous les Bitcoins seront minés, c’est-à-dire une fois qu’il y aura les 21 millions de Bitcoins de minés, il n’y aura plus d’émission de nouveaux Bitcoins. Donc, ce sera un actif qui sera rare par définition », détaille Mounir Laggoune.
Le Bitcoin est aussi et surtout pensé comme l’inverse d’une monnaie fiduciaire, comme l’euro ou le dollar. Comme nous l’explique notre interlocuteur, Nakamoto a conçu la cryptomonnaie en opposition à la manière dont les banques centrales gèrent les monnaies fiat. Depuis ses origines, le Bitcoin est une réponse aux pratiques du système monétaire actuel, entièrement basé sur les politiques décrétées par les banques centrales. Contrairement au Bitcoin, l’euro ou le dollar seront émis à l’infini. Les banques centrales peuvent choisir d’imprimer davantage de billets à n’importe quel moment, par exemple pour stimuler l’économie en temps de crise. C’est impossible avec le Bitcoin. Le code de la cryptomonnaie ne l’autorise pas.
« L’idée, c’était de faire quelque chose qui soit résistant au système monétaire, qui soit anti-inflationniste, et qui soit fait pour les périodes de forte inflation », poursuit le responsable de Finary.
La date du halving
Un halving est prévu tous les 210 000 blocs, ce qui correspond à peu près à une période de quatre ans. La blockchain du Bitcoin est conçue pour générer un bloc toutes les 10 minutes en moyenne. Le Bitcoin repose en effet sur la blockchain, un registre numérique composé de blocs chaînés les uns aux autres.
« Le protocole a été codé d’une façon à ce qu’en moyenne, la difficulté soit ajustée pour qu’un bloc soit miné toutes les 10 minutes. Donc il se passe vraiment exactement ce qui était prévu », explique Mounir Laggoune, soulignant la prévisibilité du protocole.
Aux dernières nouvelles, l’implémentation du halving est prévue dans la soirée du 19 avril 2024. Tout se déroule exactement selon le plan prévu par le code du Bitcoin, souligne le dirigeant de Finary. C’est pourquoi il estime que le halving est un « non-événement ».
Quels effets sur l’industrie du minage ?
Contrairement à l’Ethereum, le Bitcoin ne va donc pas abandonner la Proof of Work (PoW), ou Preuve de Travail, le mécanisme qui sécurise les transactions sur la chaîne de blocs. La reine des cryptomonnaies ne change pas complètement de fonctionnement lors d’un halving, que ce soit celui-ci ou l’un des précédents. L’opération va simplement modifier la récompense des mineurs. Ceux-ci continueront d’être indispensables au fonctionnement de la blockchain, bien que leur rentabilité soit affectée par la mise à jour.
C’est pourquoi la mise à jour du Bitcoin est surtout un événement majeur pour les fermes de minage. En amont du quatrième halving, les géants du minage ont d’ailleurs enregistré une baisse de leur valeur boursière. Des groupes de taille comme Marathon Digital Holding, Riot Platforms et CleanSpark ont perdu entre 15 % et 30 % en quelques jours. Face à la frilosité des marchés, Riot Platforms a été obligé de prendre la parole pour rassurer les investisseurs en assurant être là « pour le long terme », rapporte Bloomberg :
« Notre thèse d’investissement à long terme sur Bitcoin est forte et je pense que nous avons la configuration d’un mouvement très positif pour le Bitcoin au cours des prochains mois».
Cependant, les mineurs semblent mieux préparer à cette nouvelle mise à jour du Bitcoin qu’aux précédents halvings. C’est l’avis de Mark Palmer, analyste chez Benchmark. La hausse récente du cours du Bitcoin a permis aux géants du minage de renflouer leurs caisses en amont. De plus, « la plupart des mineurs de Bitcoin cotés en bourse ont initié ou annoncé des plans pour augmenter leurs capacités en matière d’électricité et de hashrate afin de compenser leurs revenus réduits ».
Sur le papier, la mise à jour pourrait dissuader les mineurs de continuer à sécuriser le réseau blockchain. De facto, le halving pourrait provoquer une baisse du hashrate, c’est-à-dire la puissance de calcul du réseau. C’est l’analyse des experts de la banque JP Morgan. Dans un rapport, ils expliquent s’attendre à ce que « les mineurs de bitcoin non rentables quittent le réseau Bitcoin », provoquant « une baisse significative du hashrate » à court terme.
Néanmoins, l’effet négatif du halving sur l’incitation économique est contrebalancé par l’augmentation potentielle de la valeur du Bitcoin. De plus en plus rare, et de plus en plus demandé, le BTC devrait continuer d’attirer les mineurs de cryptomonnaies à moyen terme. Ces experts du minage, désormais regroupés en corporations dans les zones dans lesquelles l’énergie est la moins chère, devraient compenser la baisse des récompenses par la vente de leurs bitcoins.
En parallèle, une baisse du hashrate est susceptible d’attirer de nouveaux mineurs. En effet, une réduction de la puissance du réseau signifie qu’il faut moins d’énergie pour valider les transactions. Le procédé pourrait théoriquement ouvrir l’industrie du minage à de nouveaux acteurs. Comme l’explique le média spécialisé Cryptoast, cet afflux de nouveaux mineurs peut par la suite refaire grimper le hashrate, et augmenter mécaniquement la sécurité du réseau.
Notez que les mineurs sont actuellement en compétition afin de miner le premier bloc de la blockchain à la suite du halving. C’est-à-dire le 840 000e bloc. Comme l’explique CoinDesk, c’est la première fois qu’un bloc post-halving pourra être échangé à la manière d’un jeton non fongible (NFT). Depuis l’an dernier, la technologie Ordinals permet d’inscrire des données numériques uniques, comme des images ou des textes, directement sur des satoshis individuels, qui sont les plus petites unités de bitcoin. De facto, le bloc sera unique. Selon Adam Swick, directeur de la croissance de l’entreprise de minage Marathon Digital Holdings, le NFT de ce bloc pourrait s’échanger à des millions de dollars. C’est pourquoi les mineurs intensifient leurs opérations autour de la date du halving.
Quel impact sur le cours du Bitcoin ?
Pour de nombreux observateurs, le quatrième halving devrait s’accompagner d’une nouvelle hausse du cours du Bitcoin. Les investisseurs, les experts et les traders évoquent essentiellement le cap des 100 000 dollars, dans le viseur du marché depuis 2021. Pour le PDG de Bitwise, Hunter Horsley, l’impact du halving sur le cours est largement sous-estimé. C’est pourquoi le seuil des 100 000 est à portée de la crypto. Encore plus optimistes, les analystes de JMP Securities tablent sur un Bitcoin à 280 000 dollars d’ici à trois ans, rapporte CoinDesk.
« Le prix devrait s’apprécier. Je pense qu’on verra des plus hauts historiques dans l’année. Et je pense qu’on verra, je ne sais pas si c’est dans l’année ou dans 2 ans ou dans 3 ans, mais on le verra, le Bitcoin dépassera les 100 000 dollars », abonde Mounir Laggoune lors de notre entrevue.
Jeff Hancock, PDG de coinpass.com et de OANDA Crypto, parle quant à lui d’une « opportunité de marché historique », née de la rareté grandissante du Bitcoin, ce qui réduit l’offre en circulation, et d’un afflux de la demande suite à l’arrivée du BTC à Wall Street. En janvier, les premiers Exchange Traded fund (ETF) au comptant consacrés au Bitcoin ont été approuvés par les régulateurs financiers des États-Unis. Cette décision historique a poussé de nombreux investisseurs institutionnels à miser sur la reine des cryptomonnaies. La combinaison des ETF et du halving crée un déséquilibre avantageux entre l’offre et la demande de bitcoins, explique Chris Gannatti :
« Si la demande dépasse l’offre, cela devrait exercer une pression à la hausse sur le prix. Le halving implique une réduction du nombre de nouveaux Bitcoins émis dans le monde. Par conséquent, si la demande reste inchangée, l’équilibre entre l’offre et la demande penche immédiatement vers une demande excédant l’offre ».
Historiquement, les précédents halvings sont survenus quelques mois avant une forte progression de la valeur de la cryptomonnaie. Le marché a toujours « connu une augmentation de la volatilité et de l’intérêt » pour le Bitcoin peu après les mises à jour, rappelle Jeff Hancock. Un an après le premier halving, le cours du Bitcoin a passé la barre des 1000 dollars. Même son de cloche lors du second halving. En 2017, la cryptomonnaie a pour la première fois flirté avec les 20 000 dollars. Enfin, on se souviendra que le troisième halving est survenu seulement sept mois avant le coup d’envoi du dernier marché haussier, qui a abouti au record des 70 000 dollars. Ce record date de novembre 2021.
« Bien qu’il soit possible que le halving puisse avoir un impact positif sur la performance de Bitcoin, il n’y a encore que des preuves historiques limitées sur cette relation, ce qui la rend quelque peu spéculative », nuance l’exchange Coinbase dans une étude relayée par CoinDesk.
Néanmoins, certains observateurs estiment que l’effet du halving sur le cours s’est déjà fait ressentir. Il s’agirait du phénomène typique de « sell the news ». Cette expression, qu’on peut traduire par « vendre des nouvelles », indique que le prix de l’actif a déjà augmenté en anticipation d’un événement et qu’il pourrait finalement chuter lors de celui-ci. L’idée est que le marché intègre souvent les attentes positives dans les prix bien avant que les événements ne se produisent. C’est pourquoi une correction du prix du Bitcoin est envisageable à court terme. Cette baisse anticipée ne remet pas en cause les projections des investisseurs qui s’attendent à des records imminents.
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